Mesurer la radioactivité de l'isotope carbone 14, c'est compter un par un, pendant un temps relativement long ( 2 à 3 jours ), tous les atomes qui se désintègrent pour une masse donnée de benzène. Il faut pour cela que chaque désintégration produise un effet physique détectable. C'est donc le cas pour le carbone 14 qui lorsqu'il disparaît, éjecte un électron dont l'énergie bien que très faible, peut cependant être détectée dans des compteurs a scintillation liquide
. Ces appareils sont spécialisés dans la détection à très bas bruit de fond, donc doté d'une électronique très stable.Le rayonnement bêta du carbone 14 excite les molécules d'un scintillateur organique ajouté au benzène qui émettent une radiation électromagnétique dont la longueur d'onde est fonction du scintillateur utilisé. Cette radiation ( émission ponctuelle ) est transformée par une photocathode d'un tube photomultiplicateur ( PMT ) en impulsion électrique elle-même amplifiée par des dynodes. ( cf.: chapitre suivant sur les compteurs à scintillation liquide )
Le 14C présent dans l'échantillon de benzène émet des rayonnements ß-, qui au contact du liquide scintillant ( scintillateur ) donnent naissance à des photons. Ces photons ont des énergies différentes ( comprises entre 0 et 156 Kev ) et forment ce que l'on appelle un spectre 14C.
Si le benzène n'est pas très propre, les photons émis, se heurtent à des impuretés et voient leurs énergies diminuer. On obtient alors un spectre 14C quenché, c'est à dire qu'il y a un affaiblissement lumineux, donc une efficacité de comptage affaiblie par ces impuretés, donc une chute du rendement de comptage.
La plupart des échantillons biologiques comme les végétaux, les cultures de cellules ou des échantillons de sang complet déposés sur filtre, ne peuvent pas être mis directement à compter. Le premier objectif est d'obtenir une solution homogène. L'échantillon doit être préparé de telle manière que le compteur à scintillation liquide soit capable de quantifier un mélange stable, produit scintillant + échantillon radioactif.
La technique de comptage en scintillation liquide pour le carbone 14, impose un processus d'analyse chimique assez lourd, permettant de produire du benzène à partir du CO2 de l'échantillon, dans lequel se trouvent les atomes de carbone 14.
Il existe un grand nombre de liquides scintillants organiques généralement adaptés pour chaque type de compteur à scintillation liquide. Au Centre de Datation par le Radiocarbone de Lyon, le scintillateur organique utilisé permet de répondre aux exigences technologiques des compteurs utilisés pour un rendement et une efficacité de comptage optimales. Ce scintillateur organique est composé en fait de deux scintillants, un primaire et un secondaire, dont les propriétés physico-chimiques permettent une détection en bas bruit de fond très performante.
Liquide Scintillant Primaire | Buthyl-PBD |
Composition chimique | (2-(4-Biphenylyl)-5-(4-tert-Buthyl-Phenyl)-1,3,4-Oxadiazole) |
Fluorescence maximale en longueur d'onde | 367 nanometres |
Liquide Scintillant Secondaire | bis-MSB |
Composition chimique | 1,4-Di-(2-Methylstyryl)-Benzène |
Fluorescence maximale en longueur d'onde | 415 nanomètres |
Propriétés optiques d'absorption et d'émission du couplage des deux scintillants : | |
Longueur d'onde de l'absorption maxi | 409 nanosecondes |
Longueur d'onde de l'émission maxi | 412 nanosecondes |
Le Centre de Datation par le Radiocarbone de Lyon utilise comme référence pour les comptages en scintillation liquide, un volume établi à 4 ml de solution.
Cette solution comprend une base idéale de 3,52g de benzène de l'échantillon ( solvant ) + le liquide scintillant ( soluté ).
Sachant que la masse volumique du benzène est 0.88 g/litre, donc 0.88 * 4ml = 3.52 g.
Le calcul de l'âge d'un échantillon est possible par la formule suivante :
t = -8033 * ln A / Ao
Ao est la concentration originelle de l'échantillon à dater, c'est à dire la valeur de l'activité du standard de référence ( valeur de l'acide oxalique I ).
A est la valeur de l'activité de l'échantillon obtenue après comptage.
La constante 8033 provient de : Ln2/T
T étant la période du 14C = 5568/Ln2 = 8032.92 soit 8033.
- erreur sur la mesure du nombre de coups de l'échantillon
- erreur sur la mesure du standard
- erreur sur la pesée de l'échantillon lors de la dilution
- erreur sur le poids de benzène
- erreur sur le bruit de fond
- erreur sur le 14C pour le fractionnement isotopique.
Pour les compteurs à scintillation liquide, la quantité d'échantillon analysée se situe généralement autour de 0,1 à 3 g de carbone, c'est à dire, ramenée en poids de benzène réel d'échantillon à une valeur comprise entre 0,1 g et 3,52 g de benzène, dans un volume de 4ml de solution totale. On a vu que le maximum de la radioactivité 14C, celui de l'atmosphère actuelle ou des échantillons modernes, est de l'ordre de 13.6 dpm/g de carbone. Les taux enregistrés par les compteurs seront donc au plus de 10 à 50 dpm. Ces taux de radioactivité sont extrêmement faibles.
Or il existe un très grand nombre d'autres isotopes naturels radioactifs dont leur rayonnement est beaucoup plus intense que celui du 14C. Il est donc nécessaire que le matériel servant à la construction des compteurs soit soigneusement sélectionné, sinon des radioactivités viendraient se superposer à celle du 14C et perturber toutes les mesures. D'autre part, les rayons cosmiques sont très pénétrants et peuvent donner mille fois plus de coups par minute que la solution à mesurer. Aussi pour arriver à détecter la radioactivité 14C, on doit éliminer au maximum les rayonnements extérieurs par des blindages de plomb et divers procédés électroniques.
Quelques soient les perfectionnements techniques que l'on puisse faire, il reste toujours un certain taux de radioactivité parasite plus ou moins constant, de l'ordre de 1 à 10 CPM ( coup par minute ), que l'on appelle le bruit de fond ou mouvement propre de l'appareil.
Le bruit de fond est l'une des principales caractéristiques de l'appareillage qui définit les limites de la datation.
Il arrive lorsqu'un échantillon est très vieux d'avoir un nombre de désintégrations ß- émises très faible, et il devient impossible de distinguer le taux de comptage de l'échantillon de celui du bruit de fond du compteur.
Le nombre d'impulsions dûes au 14C ne peut plus être chiffré car il est égal ou inférieur aux fluctuations statistiques du bruit de fond. On arrive ainsi à une limite de mesure qui est théoriquement égale à 2 fois la fluctuation du bruit de fond.
Enfin à chaque instant, la désintégration d'un atome radioactif est essentiellement aléatoire, et le taux de radioactivité d'un corps n'a de signification physique que s'il est pris comme une moyenne sur un nombre de coups assez important, d'où la nécessité de compter chaque échantillon pendant longtemps.
En résumé, les trois principales difficultés des mesures de toutes datations 14C sont:
- la nécessité d'avoir un appareillage très stable et très sensible,
- la connaissance parfaite à chaque instant, de son bruit de fond
- l'obligation de compter longtemps, par sécurité, plusieurs fois et sur des compteurs différents, pour avoir une moyenne précise.